Tous les trimestres, Edouard Carmignac prend la plume pour commenter les enjeux économiques, politiques et sociaux du moment.
Madame, Monsieur,
Dans le conte de Lewis Carroll, Alice, après son étonnante incursion au Pays des Merveilles, éprouve l’envie irrésistible de passer « De l’autre côté du miroir » afin d’améliorer sa vision du monde.
À leur manière, les marchés financiers, au travers de leur évolution récente, exigent de notre part un effort d’accommodation. Comment justifier la vive reprise de l’ensemble des marchés actions, conjuguée à celle des marchés obligataires depuis le début de l’année, alors que dans le même temps les perspectives de croissance s’assombrissent, particulièrement pour nous européens ?
La baisse brutale des marchés actions au quatrième trimestre n’a pas seulement été nourrie par les craintes suscitées par la décélération de l’activité mondiale. Mais elle a été amplifiée sensiblement par les prévisions de contraction de la liquidité globale, entretenues par la Fed, soucieuse à la fois de lutter contre les risques d’une reprise de l’inflation et de se reconstituer une marge de manoeuvre pour faire face à une faiblesse d’activité future.
La brusque volte-face effectuée par Jerome Powell dès le 4 janvier, hors la préoccupation louable de ne pas peser davantage sur le ralentissement en cours de l’économie américaine, a, nous semble-t-il, une cause majeure : la prise de conscience que le risque inflationniste a été éradiqué dans les économies développées, tant les forces déflationnistes engendrées par la globalisation et la révolution technologique en cours sont puissantes. Après la Banque du Japon, après la BCE, la Fed veillera par la conduite d’une politique monétaire accommodante à soutenir l’activité américaine et à ne pas l’handicaper en favorisant un dollar fort.
Quelles perspectives pour la gestion d’actifs en cet horizon de croissance lente et de taux durablement bas ? La gestion obligataire devra composer avec la fragilisation des crédits engendrée à la fois par la baisse d’activité et de l’inflation. Une part croissante de la dette publique sera détenue par les banques centrales et, de fait, jamais remboursée. Il reviendra aux équipes de gestion obligataire de saisir les opportunités fournies par ces dislocations, tant sur les marchés de la dette que sur celui des changes. Quant aux équipes de gestion actions, elles devront identifier les rares sociétés offrant des perspectives de croissance soutenue, conjuguées avec une capacité de défendre leurs marges et qui, à ce double titre, bénéficieront d’une prime de valorisation. Sans surprise, les entreprises de technologie, ou les entreprises traditionnelles ayant incorporé les nouvelles technologies, seront favorisées, avec une sélection de sociétés de pays émergents.
J’ai veillé, au cours de ces dernières années, à constituer des équipes en mesure de faire face à ces bouleversements. Au-delà des résultats de ce premier trimestre, il vous appartiendra d’en apprécier les qualités sur la durée.
Confiant en votre jugement, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération choisie.